Mandana du Rajasthan, "Villages autour de Bundi" — partie 4

Nous arrivons dans un premier village habité en majorité par les Meena/Mina qui font partie des plus anciennes tribus du Rajasthan. Ils vivent dans les plaines fertiles de l’est de la région et sont répartis en deux clans principaux : celui des propriétaires terriens hindous de haut statut et les autres qui ne possèdent aucune terre. Au 19ème siècle, en dépit de leurs ancêtres prestigieux, ils furent déclarés « tribus criminelles » par les Britanniques et ce jusqu’en 1952, année où la liste injurieuse fut abrogée. Édifié sur un tertre, l’habitat est dense et les maisons s’adaptent au terrain inégal en étageant harmonieusement les volumes. Les alignements, les retraits et les avancées laissent entrevoir des terrasses qui elles-mêmes en surplombent d’autres. C’est ainsi que l’on découvre des mandana fraîchement peints.

Maison en terrasse 

Mon enthousiasme est quelque peu tempéré par les assertions de mon guide qui souligne l’appauvrissement indéniable de la créativité et du répertoire des mandana. Selon lui, l’urbanisation des campagnes et la construction des habitations en ciment en sont les causes principales.

Maison en ciment sans peintures murales

Les villageois délaissent les murs de terre crue qui nécessitent de fréquentes restaurations après les moussons. Si le ciment s’érige en symbole de modernité et de réussite sociale, il contribue largement à la disparition des décorations rituelles murales appelées thapa. La jeune génération plus instruite que leurs aînés, répugne à préparer les supports avec le mélange boueux et délaissent cette forme picturale jugée simpliste.

Maison en pisé décorée de mandana

La promenade dans les rues attire l’attention des habitants qui interrogent mon compagnon sur les raisons de ma venue. Grâce à lui, nous sommes invités à pénétrer dans les patios et à chaque fois l’émerveillement est au rendez-vous. Pas un endroit dans les cours qui ne soit orné.

Entrée avec plateformes d'une maison Meena

Les murs s'illuminent, et seule la présence de l'ombre révèle les motifs stylisés et les lignes délicates émanant des mains des femmes. Des rubans immaculés accentuent les contours des terrasses et des plateformes, délimitent le périmètre des cours intérieures, grimpent une à une les marches d'un escalier pour se métamorphoser en animaux ou en plantes sur la surface de la rampe.

Escalier décoré de mandana représentant des paons et autres oiseaux
Cour d'une maison
Des jeunes filles qui œuvrent ensemble

Embellir les objets et les outils

Avec beaucoup de fantaisie, les lignes immaculées soulignent et transforment les objets du quotidien, les outils et les meubles, à l'intérieur comme à l'extérieur.  Les courbes opalescentes soulignent l'âtre à ciel ouvert appelé chulha et les récipients en argile utilisés pour recueillir les cendres du foyer sont également peints. C’est ici, loin des regards extérieurs que les femmes cuisinent, trient les céréales, font sécher les piments et les galettes de bouse de vache.

Préparer et cuire les bajra roti (galette de millet) sur un chulha décoré

Le kotha ou kothi (grand ou petit garde-manger) est un meuble essentiel pour stocker la nourriture et protéger les objets de valeur dans une maison Meena. Ils sont presque toujours décorés de motifs floraux et géométriques, d'oiseaux et d'animaux.

Les femmes Meena excellent également dans la création d'images en relief sur les surfaces du meuble de rangement. Des images de fleurs, du dieu Ganesha ou du swastika sont façonnées dans la glaise comme symboles de prospérité et agrémentées de miroirs circulaires.


Histoire à suivre..


Mandana du Rajasthan, "Jodhpur, la quête commence"— partie 1

Mandana du Rajasthan, "Lakshmi dessine pour Diwali" — partie 2

Mandana du Rajasthan, "Bundi et les villages alentour" — partie 3

Mandana du Rajasthan, "Livres et références"