Chita de l'Odisha, "Visiter Bhubaneswar et Raghurajpur" — partie 2
Musée Kala Bhoomi
Le jour de mon arrivée à Bhubaneswar, Babu, ami et guide local, m'accueille à l'aéroport. Après avoir déposé mes bagages à l'hôtel, nous nous rendons au Kala Bhoomi Odisha Crafts Museum, créé en 2018, avec pour objectif d'exposer l'artisanat de l'Odisha en un seul lieu et de faire connaître l'histoire et la culture de cette région aux personnes du monde entier. Souvent, l'artisanat est perçu en termes d'habileté manuelle plutôt qu'en termes de réflexion créative. Sans la culture technique nécessaire pour apprécier le processus créatif, le public passe à côté d'esprits ingénieux et de mains pensantes. Il faut espérer que l'exposition des objets et des spectacles présentés par le musée encourageront l'interaction avec les artisans en personne, qu'ils soient potiers, sculpteurs, créateurs d'images religieuses ou danseurs. Pour ma part, en l'espace de quelques heures, j'ai eu un aperçu détaillé de la culture Oria. Il manque cependant la rencontre avec l'étonnante mosaïque tribale qui peuple les collines de l'Odisha.
Dès l'entrée dans le musée, je suis séduite et totalement émerveillée par le monde prodigieux de la créativité humaine. Dans la première salle, d'impressionnantes poteries, ou plus précisément des jardinières destinées à la culture du basilic sacré, dont la forme élancée en pain de sucre rappelle l'architecture des temples d'Odisha. Le tulasi ou basilic sacré considéré comme la manifestation terrestre de Lakshmi, déesse de la prospérité et épouse de Vishnou est vénérée dans les foyers vishnouites ; d'où la présence des jardinières près des maisons.
Les jardinières en terre cuite sont semblables à celles photographiées par Stephen Huyler dans les années quatre-vingt-dix. Sur les murs, les photographies de l'auteur témoignent de cet artisanat unique mais en voie de disparition. Durant ce périple, je n'ai observé aucune poterie de cette qualité si ce n’est de simples pots en ciment colorés à l’entrée des maisons. Est-ce une affaire de coût ? Les potiers ont-ils perdu ce savoir-faire ?
Dans la salle suivante, on peut admirer des peintures patachitra connues pour illustrer des récits mythologiques et les portraits de la triade divine du temple de Jagannath (le Seigneur de l'univers). Le dieu Krishna est vénéré sous cette forme en Odisha en compagnie de son frère Balabhadra et de sa demi-sœur Subhadra. Jagannath a la peau noire et des yeux circulaires, tandis que les deux autres effigies ont les yeux en forme d'amande et sont respectivement de couleurs blanche et jaune.
Ces divinités souriantes, habillées et parées selon les saisons, sont de simples poteaux de bois dépourvus de jambes et dotés de bras sommaires de part et d'autre du tronc. La possibilité d'une origine tribale de ces représentations atypiques a été évoquée. En effet, on trouve des poteaux de bois sculptés dans de nombreuses communautés tribales à travers l'Inde. Pour les dévots du dieu Vishnou, il s'agit d'une incarnation abstraite du dieu Krishna.
Lors du festival des chars ou Ratha Yatra du temple de Puri, les divinités Jagannath, son frère Balabhadra et sa sœur Subhadra se rendent en procession du temple à la résidence d'été sur trois chars en bois massifs et décorés de couleurs vives. C'est dans ce contexte de ferveur que les peintures patachitra et autres objets de piété se sont imposés afin de répondre à la demande des pèlerins désireux de rapporter un souvenir chez eux. Aujourd'hui encore, la production de ces œuvres populaires témoigne d'une tradition séculaire d'art votif, émanant de l'orthodoxie religieuse, qui se perpétue dans le village de Raghurajpur non loin de Bhubaneswar et dans d’autres villes.
Des villages qui ont le sens de l'art
Raghurajpur, à une cinquantaine de kilomètres de Bhubaneswar est une destination touristique incontournable depuis les années 2000. Le village compte deux rues principales et plus de 120 maisons décorées de peintures murales principalement religieuses.
C'est peut-être le seul village de l'Inde où chaque foyer participe à la production d'objets artisanaux. À la fois maisons et ateliers, les peintres de patachitra fabriquent également des masques traditionnels, des divinités en pierre, des objets en papier mâché et des jouets en bois. Dès l'entrée dans le village, de nombreux artisans-peintres haranguent les visiteurs et les touristes. Mon guide déteste cet endroit et m'invite à partir au plus vite car, selon lui, tout n'est qu'esbrouffe pour attirer le client crédule ; la plupart des acheteurs n'ayant aucune connaissance des récits mythologiques et ne s'y intéressent pas.
Pourtant, en parcourant les deux allées du village, je suis frappée par le tourbillon de couleurs et de formes sur les murs et découvre une coutume picturale unique qui consiste à peindre le nom des mariés et la date du mariage au centre d'un motif simple ou complexe sur le mur de l'entrée de la maison. En fonction du budget des bénéficiaires, le peintre ajoute des instruments de musique et des symboles de bon augure.
Les noms des mariés sont rédigés soit dans la langue locale Oria, soit en anglais et certaines peintures sont signées du nom de l'artiste qui, pour se faire connaître, présente ses créations via les réseaux sociaux. Sur le chemin du retour, je remarque la présence de ces créations murales dans tous les villages que nous traversons.
Histoire à suivre...
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