Kolam pour célébrer l'anniversaire du dieu Krishna

Krishna Janmashtami, connu sous l'appellation Gokulashtami dans le sud de l'Inde célèbre l'anniversaire du dieu Krishna, huitième incarnation (avatar) du dieu Vishnou. Bon nombre de kolam reflète des épisodes de sa vie.

Kolam pour célébrer l'anniversaire du dieu Krishna

Krishna Janmashtami, connu sous l'appellation Gokulashtami dans le sud de l'Inde célèbre l'anniversaire du dieu Krishna, huitième incarnation (avatar) du dieu Vishnou. Dans l'hindouisme, la trinité Brahma-Vishnou-Shiva sur qui repose l’équilibre du monde est vénérée par un grand nombre de fidèles et incarne une vision cyclique de l’univers caractérisée par la création, la préservation et la dissolution. Au début de la création prédomine Brahma, le créateur, celui duquel jaillissent toutes choses. Puis chaque cycle de création s'achève par la puissance de destruction de Shiva qui ramène toutes choses à la source originelle.  En Vishnou demeure le pouvoir de préservation et de protection : non seulement il guide les êtres vers l’éveil mais il s'incarne à chaque fois que la Loi divine est en danger et que l’humanité sombre dans la déchéance morale et spirituelle. Dans l'incarnation de Krishna, il voit le jour à Mathura (Uttar Pradesh) comme le fils de Devaki et de Vasudeva. Cependant le cruel roi Kamsa et frère de Devaki apprend par une prophétie qu'il sera tué par le huitième fils de sa sœur. Il emprisonne le couple mais bientôt Devaki met au monde l'enfant Krishna. Grâce à un miracle qui endort les soldats de Kamsa et ouvre les portes de la prison, Vasudeva s'enfuit, portant l'enfant divin. Il traverse la rivière Yamuna qui s'écarte devant lui et se rend au village de Gokula où il confiera l'enfant-dieu à Yashoda et Nanda, un couple de bouviers qui l'élèveront comme leur propre enfant.

Krishna Janmashtami est un festival très populaire dans les villes de Mathura et de Vrindavan en Uttar Pradesh. Il revêt également une grande importance pour toutes les communautés vishnouites. De manière générale, les fidèles jeûnent, prient et chantent à la maison ou dans les temples. On pare également les statues de Krishna de tous les attributs divins (pagne jaune, couronne et flûte).

Lalitha dessine un kolam pour l'anniversaire de Krishna au pied de l'autel domestique.

Dans les états de l'est de l'Inde, (Manipur, Assam) et dans quelques régions du Rajasthan et du Gujarat, des troupes amateures organisent des concerts de chants dévotionnels, des tableaux vivants ou des drames dansés illustrant les épisodes les plus marquants de la vie de Krishna. C'est également un moment dans l'année où des associations religieuses vishnouites, des entreprises ou des comités de quartier mettent sur pied des concours de déguisement en dieu Krishna destinés aux enfants voire aux bébés. Les familles habillent ces derniers à l'image du dieu, les filment, les photographient puis partagent sur les réseaux sociaux les vidéos et photos.

Kolam du dieu Krishna en "voleur de beurre"

Les récits d’espiègleries de Krishna sont nombreux. Lorsqu'il était enfant, accompagné de sa ribambelle d'amis bouviers il écumait la campagne et adorait jouer des tours. Il avait pris l'habitude de s'introduire dans les maisons des bouvières et de prendre le beurre fraîchement baratté qu'il distribuait à ses amis.

Kolam par Vandana S. Karatagi montrant l’enfant Krishna attaché par sa mère à un mortier pour avoir volé du beurre.
Rangoli par Mala Bhushanamurthy

Kolam du dieu Krishna en joueur de flûte

La représentation de Krishna en tant que divinité pastorale jouant de la flûte fait partie de l'imagerie populaire. Les légendes qui décrivent les vaches captivées par les sons de sa flûte abondent. Les méandres de ses mélodies attirent également les bouvières (gopis) qui délaissent maris, enfants et les tâches quotidiennes pour l'écouter et répondre à l'appel divin.

Krishna bouvier par Suguna Kannan
Flute, beurre et plumes de paon par Mythili Vijayaragavan
Rangoli de deux paons portent la flûte du dieu Krishna par Anita Kulkarni
Flute, beurre et plumes de paon par Shanti Prakash

Kolam pour vénérer l'empreinte des pieds de Krishna

La vénération des pieds des maîtres spirituels, des divinités ou des aînés est un geste profondément ancré dans la culture indienne. Ce geste accompli en maintes occasions exprime le profond respect à l'égard de l'âge, de l'ensemble des réalisations de la personne dont on touche les pieds et de sa sagesse. Les Indiens pensent que lorsqu'une personne touche les pieds de ses aînés, elle gagne en humilité et reçoit en retour la connaissance, la prospérité et la renommée. Inviter la présence divine peut se manifester en peignant ou en sculptant l'empreinte des pieds.

Sculpture de l'empreinte des pieds du Bouddha, Sanchi, Madhya Pradesh

Parmi les différents aspects de la fête de Gokulashtami, dessiner les pieds de l'enfant Krishna est une coutume au Tamil-Nadu pour accueillir sa présence au sein du foyer. J'ai toujours été émue par les femmes qui impriment, avec leurs poings trempés dans le lait de riz, de minuscules empreintes de pieds depuis le seuil de la maison jusqu'à l'autel domestique. Il existe aussi un terme affectueux tamoul connu sous le nom de Kanna et faisant référence à Krishna.

Les pieds divins par Shanti Prakash
Les pieds divins et la flûte par Archana

Kolam du berceau de l'enfant Krishna

Les thottil kolam ou kolam-berceaux sont dessinés lors de la cérémonie de l'attribution du nom à un nouveau-né et pour l'anniversaire du dieu Krishna. Pour célébrer sa venue, certaines familles placent une statue du dieu sur une balançoire miniature appelée oonjal (une balançoire traditionnelle indienne fixée au plafond au moyen de chaînes). On la balance joyeusement pour accueillir la présence divine sous la forme d'un bébé. Qu'il s'agisse de balançoire ou de berceau suspendu, les kolam sont dessinés de manière similaire.  

Malathi dessinant un kolam-berceau pour Krishna
Kolam-berceau avec l'enfant Krishna par Hema Kannan

Ma rencontre avec Krishna

La première fois que je fis connaissance avec ce jeune prince, ce bouvier joueur de flûte à la peau bleue, c'était dans un livre appelé "Contes et légendes de l'Inde". Une image en couleurs montrait un roi aveugle sur un champ de bataille ; l’arrière-plan rougeoyant suggérait le sang et la férocité d’un combat sans merci, le sol était jonché de lances brisées et d’éléphants abattus, des femmes éplorées tendaient les bras dans le vide. Par cette évocation violente, je faisais connaissance avec le Mahabharata, une des plus grandes épopées de l’Inde. Le récit des exploits de Krishna allait occuper le reste du livre et une partie de ma vie. Bien des années plus tard, je le croisais de nouveau au Kérala où j'étais allée étudier le théâtre dansé Kathakali. Le soir de ma première (arangetram littéralement "monter sur scène"), je suis devenue Krishna, l'ami des Pandavas et le cocher du char d'Arjuna dans la Bhagavad-Gita. Dans le silence de la salle de maquillage, à la lumière vacillante des lampes à huile, j'ébauche le faisceau de lignes qui servira de structure au maquillage. L'emblème jaune en forme de V sur mon front indique la nature vertueuse de mon personnage. Je prolonge l'ondulation noire des sourcils sur les deux côtés du visage et fais de même avec le trait encadrant les yeux. Peu à peu, le dieu émerge dans le miroir à main. Je le regarde guider mes doigts pendant qu'il trace en vert les lignes de contour de la mâchoire et du menton. Puis, vient un moment encore plus intériorisé où je m'allonge, m'abandonnant aux mains d'un maquilleur (chuttikkaran) qui applique méticuleusement d’une oreille à l’autre en passant par le menton une ligne épaisse de pâte de riz (chutti). Puis ses doigts habiles insèrent un à un dans le tracé humide, des papiers blancs taillés en dégradé qui enserrent le visage devenu masque. L'effet rafraîchissant de la pâte de riz combiné aux battements des tambours au loin et des chants provenant de la scène me plongent plus profondément encore dans l'atmosphère des épopées indiennes. Je me concentre sur le rôle, signant de mes mains et doigts chaque mot du texte. Lorsque je reprends mes esprits, je m'assieds pour voir le résultat. Dans le miroir, la métamorphose est complète, j'ai fusionné avec Krishna. Puis vient le moment de l'habillage, je m'abandonne cette fois aux mains du costumier qui défroisse et ajuste autour de ma taille une jupe jaune qui prend des allures de crinoline, j'enfile une veste bleue, revêts des écharpes terminées par des nœuds en forme de lotus et attache sur la tête au moyen de cordons, la couronne conique rehaussée de gouttes d'argent. La nuit est tombée, je salue mon maître et tous les acteurs dans la salle de maquillage. En montant sur la scène, les chanteurs ont commencé le vandanaslokam ou le chant d'invocation. Debout derrière le rideau, je danse ma chorégraphie préférée appelée Purappad et répétée maintes fois durant mes années d'étude. Une fois la danse terminée, j'enchaîne avec un épisode de l'épopée du Mahabharata racontant les tentatives de Krishna pour négocier un accord avec le camp adverse au nom des Pandavas. C'est ainsi que je rencontrai l'une des plus puissantes incarnations de Vishnou aux facettes multiples; maître en stratégie, chef d'une armée pour combattre les Kauravas et guide suprême du prince Arjuna.
Purappad la danse d'invocation