Kalam du Kérala, "Quand les doigts dessinent"— partie 2

À l’exception des gestes symboliques utilisés dans la méditation et la danse, il existe des postures de doigts qui transforment la main en un instrument pour dessiner et colorier les kalam. En coupe ou en entonnoir, les mains des peintres rituels dispersent des poudres colorées sur le sol.

Kalam du Kérala, "Quand les doigts dessinent"— partie 2
En coupe ou en entonnoir, les mains des peintres rituels kéralais dispersent des poudres colorées sur un sol lustré par la bouse de vache. Le pouce caresse l’index ou le fond de la paume, précipitant la poussière en un jet précis ou en un ruissellement continu. Ici et là des cônes s’élèvent pour être immédiatement façonnés par le plat de la main ou creusés par deux ou trois doigts réunis, des cratères qui attendent patiemment qu’une autre couleur les inonde. Tel un joaillier céleste, le peintre rituel crée des parures fugaces qui viendront orner les seins opulents de la Déesse ou le cou vigoureux d’une divinité sylvestre.

Extrait de mon livre "Kolam et Kalam, peintures rituelles éphémères de l'Inde du Sud", Editions Geuthner, Paris 2010.

Un résumé des techniques de main pour peindre les kalam de la déesse Bhadrakali

Techniques de dessin

À l’exception des gestes symboliques utilisés dans la méditation ou comme support de la narration, il existe des postures de doigts qui transforment la main en un instrument pour dessiner et colorier. La plus simple consiste à saisir la poudre entre l’index et le pouce et à la laisser glisser sur le sol pour obtenir un point ou une ligne plus ou moins épaisse. Une autre technique de dessin consiste encore à replier les doigts sur le pouce de façon à former un entonnoir. La poudre stockée s’écoule à la verticale par l’intermédiaire d’un orifice créé par le petit doigt. On obtient ainsi des cônes de différentes grosseurs. Ces cônes peuvent être aplatis ou creusés de manière à former un cratère et recevoir une autre couleur qui sera déposée avec la même technique. Ces reliefs sont destinés à réaliser les couronnes, les ornements, la bouche, le nez et les yeux et permettent d’obtenir des effets tri-dimensionnels. Les seins de la Déesse sont deux cônes érigés avec des grains de riz puis recouverts de poudres.

Parures d'oreilles de la déesse
Les seins de la Déesse sont deux cônes érigés avec des grains de riz puis recouverts de poudres. 

Les Pulluvan attachés au culte des Nâga réalisent les graphes originels des anneaux serpentins en lissant les poudres avec le dos de la main. Les contours en relief sont obtenus à l’aide d’une noix de coco entière percée et remplie de poudre. Tapotée tout le long du corps serpentin, la poudre délimite le contour des anneaux.

Lisser du dos de la main la farine de riz, mêler, superposer les nœuds qui deviendront le corps du dieu-serpent.
Tapoter la farine de riz pour dessiner les contours du dieu-serpent

Afin d’obtenir certains motifs décoratifs, la poudre maintenue dans la paume est dirigée par le pouce entre le médius et l’annulaire et retombe en formant un V largement ouvert (le motif ressemble à un oiseau stylisé).

Le motif ressemble à un oiseau stylisé

Pour obtenir un motif en U couché qui corresponde au pourtour du doigt majeur, la poudre est guidée entre le pouce et l’index au-dessus du médius. L’index ou le pouce engendre également de légères dépressions sur une surface colorée pour imiter le feuillage des jupes végétales portées par certains caractères.

Peinture pour le rituel Pulluvan pattu

Quelquefois, pour orner le kalam, les officiants utilisent des noix de coco coupées en deux et évidées. Ces dernières, percées d’un ou plusieurs trous, sont remplies de poudres colorées et servent à imprimer le motif.

Utiliser une demie noix de coco percée pour imprimer des motifs

Pour tracer des cercles, certains artistes perforent la gaine foliaire de l’aréquier pour obtenir des orifices selon les intervalles souhaités. Le tracé est simple : une extrémité de la feuille est maintenue au sol par un clou et la poudre déposée au creux de la gaine s’écoule en formant des cercles à condition d’induire à l’instrument un mouvement rotatif.

Peinture pour le rituel Pulluvan pattu

L'article est tiré de mon livre "Kolam et Kalam, peintures rituelles éphémères de l'Inde du Sud", Editions Geuthner, Paris 2010.


J'ai découvert le monde des peintures éphémères du Kérala grâce à Mr Parameswara Kurup.  C'est à lui que je dédis le film  Kalam Eluttu Pattu, Peindre et chanter le Kalam produit avec l'aide du CNRS (Centre national de la Recherche Scientifique), Paris. (visionnage gratuit)


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Kalam du Kérala, "Dessiner et chanter les peintures"— partie 1