C’est ainsi que tout a commencé
Enfant je me rêvais danseuse, musicienne ou peintre et mon livre préféré s’appelait « Contes et Légendes de l’Inde ». Les images en noir et blanc montraient des hommes enturbannés, une assemblée de bonzes, un homme avec le faciès d’un éléphant et des personnages arborant moult bras et têtes.
Depuis "Contes et légendes de l'Inde" en passant par "Le Fleuve de Jean Renoir"
Enfant je me rêvais danseuse, musicienne ou peintre et mon livre préféré s’appelait « Contes et Légendes de l’Inde ». Les images en noir et blanc montraient des hommes enturbannés, une assemblée de bonzes, un homme avec le faciès d’un éléphant et des personnages arborant moult bras et têtes. Parmi eux, il y avait une figure attirante, un jeune homme jouant de la flûte et qui semblait mystérieux avec ses yeux en amande. Il me fascinait sans que je sache vraiment pourquoi, si ce n’est qu’après plusieurs pages, il réapparut et cette fois dans une illustration colorée ; sa peau était bleue et la tiare posée sur la tête lui conférait une allure princière. Il s’appelait Krishna et le récit de ses exploits allait occuper une partie du livre et de ma vie. Une autre image montrait un roi aveugle sur un champ de bataille ; l’arrière-plan rougeoyant suggérait le sang et la férocité d’un combat sans merci, le sol était jonché de lances brisées et d’éléphants abattus, des femmes éplorées tendaient les bras dans le vide. Par cette évocation violente, je faisais connaissance avec le Mahâbhârata, une des plus grandes épopées de l’Inde. Krishna, ce prince héroïque, ce bouvier joueur de flûte, je le croisais de nouveau dans le film mythique de Jean Renoir « le Fleuve » qu’il tourna au Bengale. Au détour d’une scène, l’une des héroïnes s’imagine en Radha, la compagne du dieu à la peau sombre, elle danse pour lui et ses mains signent dans l’espace les louanges qu’elle lui adresse. Ce court épisode dansé ainsi que la scène d’ouverture du film devaient marquer durablement le cours de mon existence.
Dès la première image, Jean Renoir offre aux spectateurs la vision d'une main féminine qui s’applique à tracer sur le sol un cercle blanc parfait, suivi de quatre pétales orientés vers les points cardinaux tandis qu’une voix off entame le récit du film :« En Inde pour honorer un invité , les femmes décorent le sol de leur maison avec des dessins réalisés avec un mélange de farine de riz et d’eau ». Le geste et la posture assise, fascinent mais pourquoi peindre sur le sol ? Pour quelles raisons ? Y a-t-il un répertoire ou est-ce simplement le résultat d’une imagination fertile ? La peinture demeure-t-elle ? J’allais trouver les réponses quelques années plus tard lorsque je décidais d’aller en Inde.
Puis il y a eu "L'Alpona ou les décorations rituelles du Bengale"
Après avoir vu « Le Fleuve » de Jean Renoir, je voulais trouver un livre capable de détailler l’extraordinaire gestuelle graphique entrevue au commencement du film. C’est en allant consulter les fiches de la bibliothèque du musée des Arts Asiatiques Guimet que je faisais connaissance avec un ouvrage minuscule intitulé « l’Alpona ou les décorations rituelles du Bengale » publié aux Editions Bossard en 1921. Un livret qui décline au fil des pages des diagrammes géométriques, des représentations d’animaux, d’oiseaux et d’objets du quotidien ainsi que des chants et des textes qui accompagnent le répertoire graphique. L’introduction est écrite par le peintre Abanindranath Tagore neveu de Rabindranath Tagore, célèbre poète, romancier, compositeur, peintre et prix Nobel de littérature en 1913. Le ton bon enfant exalte la spontanéité, la fraîcheur des dessins de celles que le peintre appelle « nos filles du Bengale ».
Prochains articles :
Alpona, image symbole des femmes du Bengale
Alpona du Bengale, "Le Fleuve de Jean Renoir" — partie 1
Alpona du Bengale, "Visite de Kolkata"— partie 2
Alpona du Bengale, "La maison de Sumitra" — partie 3
Alpona du Bengale, "Fête de Poush Sankranti chez Sumitra" — partie 4
Alpona du Bengale, "Fête de Poush Sankranti dans les villages" — partie 5