Chita de l'Odisha, " Temples de Bhubaneswar " — partie 3
Faire connaissance avec la ville de Bhubaneswar commence par la découverte de ses temples nichés aux quatre coins d'une cité en plein essor.
Faire connaissance avec la ville de Bhubaneswar commence par la découverte de ses temples nichés aux quatre coins d'une cité en plein essor. Dans le taxi qui m'emmène visiter quelques sanctuaires, je remarque la profusion de plantes, sculptures et peintures murales aux thèmes variés qui jalonnent les rues de la ville. Mon guide m'explique que les quartiers ont été embellis pour accueillir chaleureusement les supporters et les touristes à l'occasion de la coupe du monde de hockey. Les murs des bâtiments, les piliers et les passerelles de l'autoroute sont décorés de peintures murales mettant en valeur la gastronomie, la culture, les sports, le patrimoine et la modernité de la ville. Selon les quartiers, divers thèmes sont mis en avant : le sport pour les stades, la gestion des catastrophes pour les pompiers, le patrimoine pour les sites culturels et archélogiques, etc. Un habillage haut en couleur qui sert d'écrin aux joyaux religieux du passé que sont les nombreux temples de Bhubaneswar.
Temple de Mukteshwar dédié au "Seigneur du salut"
Le temple de Mukteshwar construit au 10e siècle et dédié au dieu Shiva, est un sanctuaire aux proportions harmonieuses. On y accède par un porche séparé, massif mais délicatement sculpté. La salle d'assemblée rectangulaire appelée Jagamohana, surmontée d'un toit pyramidal en gradins, est le digne compagnon de l'élégante tour-sanctuaire qui s'élève derrière elle, couronnée d'un amalaka, un coussin de pierre nervuré et ciselé. Les murs latéraux du porche racontent des fables anciennes : le singe et le crocodile, la tortue et les cygnes. Les colonnes dédiées aux serpents révèlent des divinités serpentines enroulées autour des piliers des objets de culte dans les mains.
Temple de Rajarani
Ailleurs dans la ville, le temple de Rajarani construit au 11e siècle repose dans un écrin de verdure joliment entretenu. Le sanctuaire à l'allure trapue abrite un véritable trésor de sculptures représentant les Dikpala ou les Gardiens des huit directions (les quatre points cardinaux et les directions intermédiaires). Le concept des Dikpala est utilisé dans l'architecture des temples et des maisons, mais aussi dans la planification et l'aménagement des villes.
Des nymphes célestes ornent également les murs du temple ; pose langoureuse en tenant une branche, expression joyeuse lorsqu'elle caresse un oiseau et mutine lorsqu'elle contemple son visage dans un miroir.
Le portail est flanqué d'épaisses colonnes autour desquelles s'enroulent des déesses serpentines. Dans le prolongement, de part et d'autre, un lion se tient debout sur des éléphants, ventre à terre. Certains orientalistes ont expliqué cette image par la victoire de l'hindouisme représenté par un lion sur le bouddhisme symbolisé par un éléphant. D'autres hypothèses existent et le mystère reste entier, mais il s'agit manifestement d'une puissante image de triomphe.
Le temple Chausathi Yogini dédié aux 64 Yogini
La journée se poursuit et nous quittons Bhubaneswar pour le temple Chausathi Yogini ou temple des 64 Yogini situé à une vingtaine de kilomètres de la ville dans un village appelé Hirapur. À l'écart des habitations, un étang et un banian (Ficus benghalensis) confèrent une atmosphère bucolique à ce sanctuaire exceptionnel.
Ces déesses sont-elles des entités sylvestres incorporées plus tard au panthéon hindou ? Dans la mythologie traditionnelle, la déesse Durga combat les anti-dieux ou asura. Encerclée par les troupes démoniaques, les dieux décident de lui venir en aide et de leurs corps émanent des déesses qui sont leurs énergies (sakti) respectives. Selon les traditions elles sont appelées sapta Matrika ou ashta Matrika (les sept ou huit Mères divines). Plus tard, leur nombre s'élèvera à 64. À en croire la légende locale, les yogini auraient demandé à être consacrées dans un temple sans toit pour être en contact avec les Éléments. Selon les traditions, ces dernières sont assimilées à des femmes-démons d'où les superstitions associées à ce type de temple. Elles sont également décrites comme des entités féminines ayant acquis des pouvoirs surnaturels par d'intenses pratiques spirituelles appelées sadhana.
Certaines statues peuvent paraître repoussantes mais il faut garder à l'esprit qu'elles traduisent la réalité du monde où se cotoient violence, noirceur et sérénité. La connaissance ultime fait fi des dichotomies, les notions de beau et de laid s'effacent tout comme l'idée du bien et du mal aussi faut-il regarder les seins pendants de Chamunda, l'expression effrayante de la femme-lion Narasimhi avec la même équanimité que les visages sereins de Ghatabari ou de Lakshmi. En dépit des dégradations importantes causées par les envahisseurs du passé, les sculptures interpellent par leurs traits délicats, les coiffures élaborées, les postures gracieuses, les corps sensuels à la taille fine et aux seins hauts et ronds.
Histoire à suivre...
Articles précédents :
Chita de l'Odisha, "Bhubaneswar, Art et artisanat" — partie 1
Chita de l'Odisha, "Visite de Bhubaneswar et Raghurajpur" — partie 2