Mandana du Rajasthan, "Peindre le sol pour Diwali — partie 5
Les peintures mandana, également connues sous le nom de chowk, varient selon les régions, les festivals et les communautés du Rajasthan. Diwali/Deepavalli célébré durant le mois de Kartika (mi-octobre à mi-novembre) est une fête importante pour les Hindous.
Les peintures mandana, également connues sous le nom de chowk, varient selon les régions, les festivals et les communautés du Rajasthan. Diwali/Deepavalli célébré durant le mois de Kartika (mi-octobre à mi-novembre) est un festival très attendu dans les familles hindoues. Des semaines avant la fête des lumières, les murs des maisons en pisé sont restaurés, les toits de chaume sont refaits. Les murs, les cours, les fourneaux, les pièces intérieures, les piliers et les portes sont décorés de mandana.
Enduire et peindre le sol
Avant de peindre les mandana, les femmes réparent les surfaces endommagées des sols, et préparent un enduit avec du fumier, de l'eau et de l'argile, auquel elles ajoutent de l'ocre jaune clair ou foncé. Après quelques jours de séchage, le chaulage est prêt.
Pour peindre, elles utilisent une partie de la nervure centrale d'une feuille de palmier dattier (khajur) qui sert de réservoir car elle est fibreuse. Mon guide me dit que parfois l'extrémité d'une tresse est utilisée comme pinceau. Les surfaces horizontales s'offrent aux incantations graphiques des femmes qui œuvrent souvent en groupe. Elles guident le liquide laiteux en une multitude de lignes parallèles brisées, obliques et courbes, révélant le fond ocre. Le blanc hésite un instant entre transparence et opacité, mais la pâleur translucide est vite remplacée par une présence rayonnante qui capte la lumière pour devenir matière.
Tout d'abord, il y a les fleurs, toutes sortes de fleurs imaginaires pour embellir l'espace. Le répertoire des mandana comprend des motifs floraux de quatre à huit pétales. Une fleur à six pétales (shahphulya) suggère le trône en forme de lotus de la déesse Lakshmi. On trouve également des objets de la vie quotidienne comme le beejani ou l'éventail à main, un jeu de stratégie en forme de damier croisé appelé chaupad. Les femmes sont également inspirées par leur environnement immédiat, comme l'étonnante architecture des baoli ou puits à paliers flanqués d'escaliers vertigineux menant à l'eau. Le swastika ou sathiya en forme de croix à quatre branches égales coudées 卐 apparaît souvent au centre de nombreux diagrammes car intrinsèquement de bon augure.
Beejani/pankhi, l'éventail
Avant l'avènement des ventilateurs électriques et de la climatisation, l'éventail à main était le seul instrument permettant de lutter contre la chaleur et aujourd'hui il reste un objet indispensable dans les zones rurales. Le beejani/pankhi est un éventail dont l'origine remonte à une époque ancienne et qui était utilisé dans les cours et les maisons royales ainsi que dans les cérémonies religieuses pour éventer les divinités. Aujourd'hui, nous devons la pérennité de ces éventails aux femmes Meena qui les fabriquent.
Chaupad, un jeu de stratégie indien
Le chaupad, un plateau cruciforme qui signifie littéralement quatre (chau) parties (pad) est un jeu indien fabriqué en laine, en tissu rehaussé de broderies et de miroirs ou imprimé au bloc de bois au centre d'un jajam ; un tapis de sol traditionnel en coton utilisé pour les rassemblements communautaires ou les cérémonies familiales sur lequel les gens pouvaient jouer sur le chaupad imprimé.
Au 19ème siècle, le jeu arrive en Amérique par l'intermédiaire de John Hamilton et se fait connaître sous le nom de parcheesi. En 1914, il est importé en Europe et devient le "Ludo" introduit par Josef Friedrich Schmidt, un fabricant de jeux de Munich.
Le chaupad serait également associé à un chapitre de la grande épopée indienne Mahabharata. L'histoire raconte comment Yudhishthira, du clan Pandava, perd son royaume dans un jeu de dés au profit du roi Duryodhana, du clan Kaurava. On dit que le chaupad était joué dans la vallée de l'Indus vers 2300 avant J.-C., car le jeu utilise le même type de dés rectangulaires qui ont été retrouvés sur divers sites de la civilisation de l'Indus.
Baoli/bawadi, un puits à paliers/degrés
Les puits à paliers, connus sous le nom de baoli ou bawadi sont des citernes profondes invisibles en surface dont les marches parfaitement symétriques longent les murs et conduisent à l'eau. L'architecture de ces réservoirs évoque une forteresse inversée et un grand nombre d'entre eux ont été commandités par les souverains locaux et construits à proximité des temples et des mosquées pour des usages religieux, rituels et pratiques.
Certains baoli sont des merveilles architecturales construites au fil du temps et parfois décorées de galeries et de balcons ouvragés. Creusés profondément dans le sol, les puits assuraient la disponibilité de l'eau pendant les périodes de sécheresse. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont abandonnés ou en ruine, asséchés ou recouverts de déchets. En Inde, le changement climatique rend la météo toujours plus imprévisible et la restauration des puits à paliers aideraient les gens à se réapproprier leurs ressources traditionnelles et leurs espaces de vie communautaire.
Swastika, un symbole de bon augure
Le swastika ou sathiya devient parfois l'élément central d'un mandana. Ce terme, qui vient du sanskrit Su « bon » et Asti « Cela est » est un symbole intrinsèquement de bon augure pour les Hindous, les Jains et les Bouddhistes de l'Inde. Les pages des livres de comptes, le seuil des maisons, les portes et les offrandes sont souvent marqués du signe bienveillant.
Alors que certains considèrent que le swastika dextrogyre imite la course quotidienne du dieu Soleil vers le Nord par la rotation de ses branches dans le sens des aiguilles d'une montre, d'autres y voient l'image du dieu éléphant Ganesha. D'autres encore voient dans les quatre bras, les points cardinaux, les quatre castes, les quatre étapes de la vie : (étudiant, maître de maison, retraite et renoncement). De nombreux rituels et cérémonies commencent et se terminent par le dessin d'un swastika à l'aide de farine de riz ou de pâte de curcuma. Après la Seconde Guerre mondiale, en raison de l'ampleur des crimes nazis, le swastika disparaît progressivement en tant que motif décoratif en Europe. Avant la montée du nazisme, le symbole n'avait aucune connotation négative mais aujourd'hui, pour des raisons évidentes, la vue d'une croix gammée déclenche encore de vives réactions et est même interdite dans certains pays, dont l'Allemagne. Toutefois, et selon le code pénal allemand, la croix gammée peut être affichée si elle est utilisée pour l'éducation civique, l'art et la science, la recherche et l'éducation, la couverture d'événements historiques et d'actualité. Malgré son infamie, le swastika conserve son importance dans la culture indienne et en Asie du Sud-Est.
Histoire à suivre…
Articles précédents :
Mandana du Rajasthan, "Jodhpur, la quête commence"— partie 1
Mandana du Rajasthan, "Lakshmi dessine pour Diwali" — partie 2
Mandana du Rajasthan, "Bundi et les villages alentour" — partie 3